C’est le pari que s’est lancé le législateur qui espère vivement pouvoir répondre positivement à cette
question, dès le début de l’année 2020, après la promulgation le 23 mars dernier de la loi de
modernisation de la justice du XXIe siècle.
On s’était habitué à l’exigence de diligences en vue de parvenir à une résolution amiable des litiges
avant toute saisine d’une juridiction. Pour rappel, les litiges actuellement soumis à un tribunal
d’instance, dont le montant est généralement inférieur à 10 000,00€ doivent préalablement avant
toute saisine de la juridiction, avoir été soumis à une tentative de conciliation menée par un
conciliateur de justice. A défaut, le juge peut prononcer d’office l’irrecevabilité de l’action.
A compter du 1er janvier 2020 et afin de tenir compte de la réalisation de la fusion des tribunaux
d’instance et des tribunaux de grande instance, le spectre des modes alternatifs de règlements des
litiges pouvant être choisis par les parties s’élargira afin d’englober la conciliation, la médiation ou une
tentative de procédure participative.
Seuls seront exclus les litiges entrant dans l’une des hypothèses suivantes (énumérées à l’article 4 de
la loi de modernisation de la justice) :
- Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
- Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
- Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa
est justifiée par un motif légitime, notamment l'indisponibilité de conciliateurs de justice
dans un délai raisonnable ;
- Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière,
procéder à une tentative préalable de conciliation.
A noter que le Conseil constitutionnel s’est d’ores et déjà prononcé le 21 mars 2019 sur l’article 4 de
la loi de modernisation de la justice, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi du 22 mars 2019
de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice.
A l’occasion de cette décision, le Conseil constitutionnel a émis des réserves en indiquant que la notion
de « motif légitime », tout comme les termes de « délai raisonnable » et « d’indisponibilité du
conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans
le cas où le litige présente un caractère urgent. » devraient être définis par le pouvoir réglementaire.
Un décret ne devrait donc pas tarder à pointer le bout de son nez afin de clarifier la signification de ces notions particulièrement imprécises, voir subjectives.
L’élargissement du spectre des diligences permettant de justifier d’une tentative de résolution amiable
d’un différend est très logiquement perçu par le législateur comme un moyen de désengorger la justice
et de raccourcir les délais de règlement des différends.
Le manque de curiosité et d’implication de l’Etat pour la médiation en ligne peut faire craindre un
abandon du justiciable qui, s’il n’est pas suffisamment informé et aiguillé face aux différentes
possibilités de MARD se retrouvera vite perdu, voire abandonné, à la merci de la première plateforme
venue ou de faux médiateurs peu scrupuleux (si cette solution laissait entrevoir l’émergence d’un
marché lucratif).
A l’ère du tout numérique, de la valorisation et de la banalisation des modes amiables de résolution
des différends, l’Etat ne peut courir le risque de manquer cette chance d’accompagner le justiciable et
de mener la danse dans le développement de la médiation en ligne, ce qui serait une erreur, compte
tenu de la généralisation des démarches en ligne et de la possibilité de susciter un réel engouement
pour la mise en œuvre d’un processus de médiation en ligne, plus en phase avec le mode de vie de la
population française du XXIe siècle.
Par ailleurs, si d’aucuns pointaient les risques d’une justice à deux vitesses, le risque ne peut être
totalement écarté ici de voir naître ici un système des MARD à deux vitesses avec d’un côté des
conciliateurs de justice gratuits, mais débordés (si des moyens supplémentaires ne sont pas déployés
pour faire face à un risque d’affluence des justiciables) et de l’autre, des médiateurs professionnels
rémunérés, accessibles uniquement aux justiciables disposant des moyens de rémunérer leurs
services.
Si tel était le cas, l’accès à un médiateur professionnel rémunéré pourrait devenir un luxe inaccessible
aux moins aisés. Cela pourrait mener à penser à envisager l’élargissement de l’aide juridictionnelle aux
médiations conventionnelle, aux tentatives de procédure participative pour pallier à ce risque.
Source, Image : Pixabay
Source : loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
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