Cette semaine je souhaite
aborder un thème qui revêt toute son importance dans le cadre du
processus de médiation et qui peut également se révéler
intéressant au quotidien : le jugement ou plutôt le non-jugement.
En médiation, dans la vie de tous les jours est-ce possible de ne
pas émettre de jugement?
Pour la plupart d'entre
nous, c'est pratiquement impossible. Nous ne passons pas une journée
sans émettre une dizaine de jugements.
Parmi ceux qui lisent cet
article, certains pourraient être tentés de ne pas se sentir
concerné, sous couvert de bienveillance ou d'empathie. Mais
parviennent-il pour autant à ne pas émettre de jugement?
Un jugement ne porte pas
nécessairement sur un point crucial de notre existence ou un aspect
fondamental de celle-ci.
La plupart de nos
jugements portent sur des choses sans importance et de ce fait,
passent souvent inaperçu, même pour celui qui en est l'auteur.
Vous pensez que le prix
d'un vêtement qui vous a tapé dans l'oeil est indécent. "Ce
vêtement est trop cher".
Vous trouvez votre
collègue particulièrement désagréable. "Gerald est mal luné
aujourd'hui"
Vous estimez que votre
adolescent est feignant. "Tu es vraiment paresseux", etc...
Chacune de ces phrases
contient un jugement. Certains diront qu'en fonction du contexte dans
lequel elles s'inscrivent, elle peuvent s'avérer vraies ou au
contraire, être erronée.Félicitations, vous êtes parvenus à
identifier distinctement ce qu'est un jugment, à savoir, une
appréciation personnelle et subjective d'une chose, d'une personne
ou d'une situation donnée, dont l'appréciation sera variable selon
le contexte et selon l'interlocuteur concerné. En jugeant, vous
cessez de qualifier et de catégoriser objectivement.
En jugeant, vous vous
dévoilez et vous mettez à nu face à votre interlocuteur. Pourquoi?
Parce que nos jugements ne tiennent pas face à la réalité.
Vous avez apperçu plus
tôt ce matin un ravissant manteau en laine qui vous fait de l'oeil.
Renseignement pris, ce manteau est au prix de 299€. Ce n'est pas un
jugement, c'est la réalité, du moins si c'est le prix mentionné
sur l'étiquette du manteau. Et le jugement dans tout ça? Certaines
personnes le considéreront comme étant hors de prix, d'autre bon
marché, quand d'autre estimeront qu'un manteau pareil à ce prix,
c'est donné. Là nous sommes en plein dans le jugement.Nous quittons
la sphére de l'objectivité pour entrer dans celle de la
subjectivité.
Ce matin, en arrivant au
bureau vous avez croisé Gerald, votre collègue du service compta.
En arrivant à votre hauteur, il vous gratifie d'un bonjour. Là
encore, c'est un fait objectif. Mais pour vous, l'affront est de
taille, le bonjour de Gerlad n'était clairement pas suffisament
enjoué à votre approche. Le verdict est sans appel, Gerald est mal
luné. Vos collègues sont partagées. Pour Sophie Gerald semblait
plutôt aimable et avenant, pour Samantha, Gerald n'était ni avenant
ni renfrogné. Vous voilà confronté à l'incertitude liée à la
subjectivité de votre jugement, mis en confrontation avec ceux de
vos collègues.
Corentin votre adolescent
de quinze ans a mis la table à trois reprises cette semaine et a
accepté de passer l'aspirateur à votre demande expresse. Pas de
doute, c'est un feignant. Pourquoi donc votre soeur vous envie t'elle
cet ado léthargique qui selon elle vous aide fréquemment à la
maison, alors que votre collègue estime qu'il est normal que
Corentin ne lève pas davanage le petit doigts, il est encore jeune
tu comprends? Re-jugement.
Où est le vrai? Où se
dissimule le faux? Nul part! Ce que ces jugements nous apprenent
c'est qu'il ne nous permettent pas de saisir la réalité d'une
situation. Ces jugements ne traduisent pas des actes concrets, ils
rèvelent ce que nous sommes.
Vous trouvez Inès trop
petite? D'accord mais par rapport à qui à vous, vos enfants?
Vous estimez que votre
pâtissier vend ses gâteaux trop chers? Cela ne traduirait-il pas le
fait que vous estimez que votre budget ne vous permet pas de réaliser
ce type d'achat de façon fréquente?
Le contrôle de maths de
votre fils était trop difficile? Si l'on prend en compte son niveau?
Le jugement pourrait bien
être le reflet de nos peurs, de nos craintes, de nos espoirs ou
encore de nos aspirations. En aucun cas nos jugements ne définissent
le monde tel qu'il est objectivement.
Pour approfondir la
question, je conseille l'excellent livre d'Yves-Alexandre Thalmann :
le non-jugement, de la théorie à la pratique
qui aborde cette question sous de très nombreux angles.
Pour les plus téméraires,
je leur lance le défi de ne pas émettre de jugement pendant 48h.
Image, source pixabay
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